traduit par Marine Aubry-Morici
Dans un monde post-apocalyptique, dominé par les yakuzas, l’humanité s’éteint peu à peu, victime du cancer noir provoqué par les rayons d’un soleil maudit. Les riches vivent désormais sous terre, réfugiés dans les bunkers d’Underwater. Pour le bon plaisir de la yakuza, on élève des sirènes destinées à être consommées sous forme de viande de mer. Mais dans ce monde qui se divise désormais entre ceux qui meurent et ceux qui jouissent, Samuel, simple surveillant dans un bassin d’élevage, se laisse un jour tenter par le plus dangereux des plaisirs : il s’unit à une sirène femelle. Ainsi naît Mia, mi-sirène mi-humaine, une créature hybride porteuse peut-être, d’un nouvel espoir.
L’écriture puissante, cruelle et délicate de Laura Pugno fait surgir les questions de l’exploitation animale, de l’asservissement des femmes, de la frontière de plus en plus trouble entre l’humain et le non-humain.
Dans Sirènes, ce qui importe n’est plus la fin de l’humanité, mais de savoir si une nouvelle espèce consciente lui survivra.
L’univers littéraire de Laura Pugno est largement inspiré des univers post-apocalyptiques, du monde sauvage et des réflexions philosophiques sur le non-humain. Ces thèmes forts sont tissés dans une écriture d’une très grande délicatesse, mêlant avec grâce l’imaginaire, la sensualité et une maîtrise exceptionnelle du récit.
Roman post-apocalyptique garanti zombie-free, « Sirènes » glace le sang d’un bout à l’autre. Par le rappel constant de l’exploitation de l’homme par l’homme (morphologiquement les sirènes sont au minimum à moitié humaines), par le parallèle qu’il trace avec la condition animale actuelle et par le portrait d’une humanité décimée lentement et sûrement par une maladie nouvelle, imprévue et sans remède, il nous tend là, tout de suite, le miroir impitoyable duquel nous préférerions nous détourner. La baffe d’à peine 172 pages nous arrive aussi rudement que le texte se révèle inconfortable, d’une lucidité féroce sur le genre humain et générateur de sentiments contradictoires.
Deuxième titre de la nouvelle collection « Noir » des éditions Inculte, après « Nous errons dans la nuit dévorées par le feu » : du noir qui réveille et qui ne se cantonne pas au polar donc, ce qui témoigne d’une réjouissante approche à 180°. Encore !
La chronique complète sur le site Encre Noire.
« …La puissance du récit réside dans l’ambivalence du sort fait aux sirènes, tantôt bétail chosifié, tantôt femmes désirées, entre animalité et humanité, révélant deux préoccupations de notre temps, l’antispécisme et l’exploitation du corps féminin. Mais l’auteure ne tire jamais vers le roman à thèse, laissant le lecteur se débrouiller avec le malaise qu’inspire cet univers sombre, fascinant, dont l’atmosphère rappelle le livre culte de Shozo Numa, Yapou, bétail humain. »