Une jeune femme se réveille sur une lande déserte. Elle semble avoir complètement perdu la mémoire. Pourquoi se retrouve t-elle dans ce mystérieux endroit, comment en est-elle arrivée là ? Est-elle une naufragée ou a-t-elle été piégée ? Est-elle observée, l’a-t-on droguée puis abandonnée sous le regard de caméras cachées ? Telles sont les accusations qu’elle porte à un auditoire supposé. Son identité fuyante l’oblige à s’en inventer une, à se trouver un pays, une origine, une couleur de peau et à proclamer son indépendance. Tour à tour martiniquaise, prof, exploratrice, comédienne, scientifique, elle n’a d’autre réelle identité que celle du langage, d’un parlé à voix haute qui donne un sens à de vaines marches.
Seule est une robinsonnade moderne. Plus d’échappatoire sur des îles éloignées et inaccessibles, plus d’aventure où manger et stocker devient le but, le naufrage c’est douter de sa capacité à rester connecté, le secours c’est garder le contact, le piège c’est se sentir observé. Seule est le récit de l’anti-dystopie. Le réel est celui d’une société parfaite et soignée dont seule une crise de folie peut tenir éloigné. L’environnement mécanisé a déclassé les voyages aventureux, la robotisation a déclassé le danger, l’intelligence collective a recentré le désarroi. L’abandon le plus violent, le plus archaïque n’est plus que l’altération de la personnalité et il peut se produire à quelques mètres devant chez soi, à l’heure de franchir le pas de sa porte pour rejoindre le travail. Là, l’horizon est vaste, le sol immense, la solitude démesurée.