Je suis un homme qui a fini. Ainsi commence l’étonnant roman de Serge Airoldi, qui met en scène un personnage ayant bel et bien existé, portant en outre son nom, voué à l’échec permanent mais doté d’une volonté et d’une pugnacité hors pair. Il faut dire que la spécialité de Carlo Airoldi, c’est d’accomplir des marathons… pour aller participer à un marathon! Par le prisme de ce coureur invétéré, l’auteur revisite le monde de l’effort et dresse en arrière-plan le portrait d’une Europe au bord du gouffre.
Un récit picaresque, souvent drôle, parfois poignant, par l’auteur de Rose Hanoï et Si maintenant j’oublie mon île, qui montre une fois de plus qu’on peut habiter d’autres vies, même brisées, et leur offrir un… second souffle.
Carlo Airoldi, l’épopée d’un forçat de la course. […] Le rêve improbable et fou de Carlo Airoldi était de participer aux premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne, en l896 à Athènes, la trame romanesque de L’épreuve, que Serge Airoldi lui consacre d’une écriture ample et érudite.
L’Épreuve est le portrait de cet homme robuste, obstiné, puissant, qui se dégage des fers et dont la volonté de se dépasser est politique. […] En toile de fond il y a la montée du fascisme et la hiérarchie entre les classes : l’humiliation par les plus riches, certains les acceptent, d’autres pas.
De la politique, des remous, flux et reflux, Carlo Airoldi n’a que faire. C’est tout juste s’il s’intéresse à ce qui se passe dans l’usine. L’essentiel reste la compétition et plus encore cette ferveur qui le porte. Le mouvement du récit est inscrit dans cet élan. Le narrateur écrit ce qui se répète, ce qui recommence chaque matin, il écrit la monotonie de l’épreuve que s’inflige son héros, et son écriture n’est jamais monotone, au contraire : elle est faite de dyastole / systole, elle est rythme ininterrompu. […] Si Carlo n’a pas de style, Serge Airoldi n’en manque pas. […] Le style, c’est un peu le chapeau du dimanche. Il accompagne un costume en velours noir côtelé. Serge Airoldi a de l’élégance.
C’est dire assez la folle fantaisie qui emporte L’Épreuve, tel un grand art de la fugue romanesque qui finit par dévoiler un mystère, latent dès les premières pages : « Je suis Carlo Airoldi », écrit Serge Airoldi. […] Une plongée dans la vie d’un marathonien italien de la fin du XIXe siècle. Entre évocation historique, réflexion politique et embardées poétiques.
Charme indéniable, insituable, de cette Épreuve, de sa façon de retracer les étapes du parcours de cet impossible marathonien. Peut-être si peu participons-nous à notre propre vie. Un mot, quand même sur la manière dont Serge Airoldi parvient à évoquer le contexte, les guerres coloniales italiennes, Adoua, la montée du fascisme, tout ce que se refuse à voir Carlo enfermé dans son échec.
L’histoire de cette longue course vers le malheur des âmes et la douleur des chairs est vraie. Elle est écrite par Serge Airoldi, lointain descendant lettré, qui court très peu et se contente, avec une écriture portée par la grâce, de restituer la mémoire et la voix de celui qui croyait en avoir « fini de dire son nom ».
Cette Épreuve est un joli jeu entre réel et invention, fiction et faits historiques, histoire familiale reconstituée et personnages célèbres. Serge Airoldi, auteur d’une vingtaine de livres, raconte le parcours de quelqu’un qui pourrait être son aïeul, plus ou moins réinventé, selon sa liberté de créateur : Carlo Airoldi, marathonien rural et perdant magnifique.
II n’avait pas le physique de « l’emploi ». Trapu, court sur pattes. Pourquoi court-on ? Après quoi ? Pour qui ? En vain. Pour mieux commencer à mourir. Et à s’oublier, dans l’épreuve.
Serge Airoldi, qu’une ascendance lie peut-être à son sujet, tire de l’oubli cette aventure déraisonnable. L’histoire d’une force qui va et d’un perdant magnifique – perdant sans avoir concouru, habité d’une incommensurable colère.
Pas besoin d’ajouter de l’épique, la matière est riche. L’écriture de Serge Airoldi furète pour construire un grand héros, mais en creux. […] Et c’est tout le beau mais terrible drame de cet homme écrasé par l’épreuve du temps.
Un livre fabuleux, tragique, une merveille d’écriture !