traduit par Claro
Et si une ville était la somme de toutes les villes qu’elle a été depuis sa fondation, avec en prime, errant parmi ses ruelles, cachés sous les porches de ses églises, ivres morts ou défoncés derrière ses bars, les spectres inquiets ayant pris part à sa chute et son déclin ? Il semblerait que toute une humanité déchue se soit donné rendez-vous dans le monumental roman d’Alan Moore, dont le titre – Jérusalem – devrait suffire à convaincre le lecteur qu’il a pour décor un Northampton plus grand et moins quotidien que celui où vit l’auteur.
Alan Moore a conçu un récit-monde où le moindre geste, la moindre pensée, laissent une trace vivante, une empreinte mobile que chacun peut percevoir à mesure que les temps semblent se convulser. Il transforme la ville de Northampton en creuset originel, dans lequel il plonge les brûlants destins de ses nombreux personnages. Roman de la démesure et du cruellement humain, Jérusalem est une expérience chamanique au cœur de nos mémoires et de nos aspirations. Entre la gloire et la boue coule une voix protéiforme, celle du barde Moore, au plus haut de son art.
Notre catalogue numérique est riche de plus de trente titres et notamment nos derniers livres parus :
Dites, je sais, ce n’est que mai, on a le temps d’en reparler, mais faut-il attendre pour dire que « Jérusalem » d’Alan Moore, traduit par Claro aux éditions Inculte/Dernière Marge s’annonce comme un des très grands livres, pas seulement de la rentrée, pas seulement de l’année, pas seulement de ce début de siècle, mais, disons-le franchement et sans exaltation, comme une œuvre incontournable de la littérature mondiale, oui, carrément, du genre à boxer dans la catégorie de l' »Ulysse » de Joyce, du « Moby Dick » de Melville, de « L’Homme sans qualité » de Musil ou de « Fanfan » d’Alexandre Jardin (je déconne, c’était pour voir si vous suiviez); et donc il faut vraiment se réjouir et en prendre conscience, parce que soyons clairs, traduire et éditer ce genre d’ovni, c’est un fameux risque et un gros investissement, alors qu’on soit libraires, journalistes ou lecteurs, il va falloir se bouger le fondement.
Le texte est exigeant, sa construction complexe, ça ne se lit pas par dessus la jambe, n’est-ce pas, la langue à la fois classique et expansive est un vaisseau fantôme qui fonce droit sur les tempêtes, crânement, et là, c’est le moment, invoquons mille grâces sur la tête de Claro, parce que ce n’est pas un mince exploit de faire passer le rythme, les nuances, la précision de la langue de Moore sans rien perdre des charmes captivants de l’intrigue, alors chapeau bas. Prenons l’été pour trépigner d’impatience, et soutenons Inculte en achetant massivement ce monument contemporain dès le 30 août. (28,90€, c’est pas cher pour toucher l’Éternité, pensez que c’est le prix d’un Éric-Emmanuel Schmitt et demi.)
(Et je précise que je suis très loin d’être un inconditionnel d’Alan Moore, dont les bandes dessinées m’ont très souvent laissé de marbre, pour ne pas dire profondément emmerdé – sauf peut-être « From Hell », allez savoir pourquoi – mais là, en lisant ce texte, il faut dire ce qui est et sortir de son tiroir empoussiéré le mot GÉNIE.)
De cette lecture mouvante, on sort groggy, fasciné, hanté, le propos clé de Moore résonnant longtemps chez qui le lit et le comprend. «Il n’est d’autres ici-bas que nous-mêmes et les choix que nous faisons, enseigne-t-il en substance. Et ces choix engendrent des effets qui courent pour l’éternité.»
Le deuxième roman d’Alan Moore, Jérusalem, s’impose comme l’œuvre la plus ambitieuse de la rentrée. Mieux, comme un classique instantané.
Débordant, syncopé, vertigineux, son récit aux allures de carrousel déconcerte autant qu’il fascine. Immense scénariste de BD (Watchmen, V pour Vendetta, From hell), l’enchanteur de Northampton s’avère un écrivain inspiré, capable d’embrasser dans un même regard le détail et l’ensemble, l’arbre et la forêt. Impressionnant.
Avec Jérusalem, Alan Moore donne une clé de voûte et un accomplissement basilical à une œuvre de conteur visionnaire entamée il y a près de cinquante ans, à Northampton, ombilic magique et épicentre oublié de l’histoire anglaise.
C’est un sommet de littérature baroque, enjambant avec démesure les êtres et les époques. Dans ce roman fou, sorte de Zola anglais engraissé au punk, l’éternité tient tout entière dans une miette de pain. Quel sublime ovni !