Mitka est géomètre et procède donc à des relevés topographiques. Un jour en Picardie, un autre à Séville, il ne se sépare jamais de ses instruments – et d’autre chose, aussi : une haine sourde, un désir constant de vengeance. A chaque fois, sur son parcours, des morts : d’abord un torero, puis une femme, et ainsi de suite sans qu’on sache pourquoi Mitka tue, si même il en est l’auteur comme il le croit. A croire qu’il mesure sa vengeance à l’aide d’un poignard. Les quelques personnes qui croisent son chemin – Mariama, Giulia, Cristina, Maxime… – peuvent-elles prétendre
à le connaître vraiment ?
Avec Hoya Bella, Anne Luthaud construit un mini-thriller nerveux où la vengeance demeure un moteur mystérieux, où seul le désir de perdition mène la danse. De Crépy-en-Valois jusqu’au pied du Stromboli, on pense traquer un monstre et on découvre une solitude.
Hoya bella, la plante qui à tout et partout survit comme les motifs éternels, leurs différentes incarnations dans le mythe et l’opéra, dont Anne Luthaud joue des variations et des possibles. Quasi thriller sur ce qui aurait pu se passer, Hoya Bella réfléchit surtout aux fleurissements possibles du récit.
Voilà un petit livre étrange, désarçonnant dans le meilleur sens du terme.
Hoya Bella est un thriller magnétique, où le spectaculaire danse avec une mathématisation de la rage et une colère théâtralisée puissante. Anne Luthaud parvient à saisir la rage sourde de son protagoniste, à maîtriser les soubresauts de ses pensées qui s’entrechoquent pour en extraire un roman fébrile, dont le rythme s’accélère crescendo. À la manière d’un volcan éteint qui soudain gronde puis explose.
« Hoya Bella » est court, serré, concentré. Anne Luthaud y est toujours très précise, ses phrases sont aussi aiguisées que les couteaux utilisés par Mitka.Elle montre une forme de détachement, ne juge jamais, comme si elle posait un regard d’entomologiste sur les actes de Mitka, et de la poignée de personnages qui tournent autour de lui.
C’est une histoire de fleurs, de boucles d’oreilles, une histoire de poignards. Et comme dans la physique quantique, ces objets peuvent être à plusieurs endroits en même temps. En littérature tout comme dans la vie, un objet qu’on revoit et qu’on remarque est en passe de devenir un symbole. De quoi ? On ne sait pas toujours. Il symbolise, c’est l’essentiel. Il engrange, il se charge. C’est un trésor. Est-ce que pour autant cet objet demeure le même ? C’est le même et c’est un autre. Comme pour certains personnages de ce roman, et notamment pour son protagoniste. Il avance dans le temps, et à mesure qu’il avance c’est le même et c’est un autre.